Si un lecteur avait encore quelques doutes sur la pertinence du combat
d’André ANTIBI contre la constante macabre et le type d’évaluation qui
domine notre système éducatif, je lui conseillerai de relire, entres autres,
trois courts extraits du huitième
chapitre de ce livre, du plus anecdotique au plus grave.
« Avec
nos relevés de notes en classe prépa, lors
d’échanges internationaux, on est obligé de joindre aux relevés de notes
des élèves français une lettre d’accompagnement pour expliquer à quoi
correspond un 8 sur 20 en France ! »
Dans notre monde
d’échanges, peut-on être longtemps à l’écart des règles communément
admises, à plus forte raison quand celles-ci relèvent du plus élémentaire
bon sens ? Peut-on faire fi du regard extérieur ?
«« Avoir
la moyenne » est en général incompréhensible en dehors de nos frontières.
J’ai pris conscience, lors de cet entretien, du symbole lié à l’expression
« avoir la moyenne », et de l’absurdité de cette expression. »
Ici nul besoin d’aller à l’étranger. Que dirait-on d’un plombier
seulement capable de faire la moitié de la réparation ? Pour une fois,
(et nous devrions le faire plus souvent), regardons vers l’enseignement
professionnel, scandaleusement méprisé et sous-estimé en France.
Celui-ci a toujours compris
que ses élèves ou ses apprentis ne pouvaient pas
avoir acquis seulement la
moitié de la compétence ou d’un geste professionnel;
pour lui, une formation qui rejette
le tiers des participants est en échec et la constante macabre une aberration
improductive. Quand un savoir faire
est maîtrisé, pourquoi ne pas le noter sans état d’âme.
« Une question concernait le
sentiment de bien-être des élèves à l’école.
La France
détient un bien triste record : 41ème sur 41 pays. »
Un tel malaise peut-il être sans conséquence sur des
résultats scolaires ? Si aujourd’hui, tant d’observateurs
des systèmes éducatifs insistent sur cette notion de bien-être, ce n’est
pas par laxisme, mais parce que c’est l’un des moyens les plus efficaces
d’améliorer les résultats des élèves. C’est dire combien il est urgent
de s’interroger sur les raisons du « mal-être » de l’élève
français et très vite apparaît la défiance à son égard telle que la révèle
la notation.
En sens inverse, si le lecteur s’interroge sur
l’intérêt, de l’Evaluation par le Contrat de Confiance, qu’il se
reporte aux justifications données par les élèves favorables à ce type d’évaluation
(p.66). Très largement en tête vient un meilleur travail et en dernier avec un
faible pourcentage les facilités de l’exercice. Ce qu’il y a de
significatif, c’est que cette dernière
justification ne reçoit aucun suffrage de la part d’élèves d’enseignement
supérieur et d’écoles d’ingénieurs
que l’on ne peut soupçonner de faiblesse scolaire et l’un d’entre eux
commente : « Pousse au travail et à la révision. Combat contre le laxisme. »
Analyse que confirment
tous les enseignants qui y ajoutent la motivation retrouvée.
Le contrat de confiance,
c’est une évaluation qui révèle
les progrès accomplis et le travail fait, à l’inverse de celle qui
s’acharne à relever les imperfections à partir d’un devoir idéal que
personne n’a jamais réalisé En apprivoisant la note, l’ensemble de notre
système s’améliore sans rupture,
ni bouleversement… Cela suppose simplement une prise de conscience. Voila
pourquoi, il faut lire cet ouvrage et plus encore mettre en application la méthode
qu’il préconise.
Recteur
Philippe JOUTARD,
Historien
(Université de Provence-École des Hautes Études).