La constante macabre : au delà d'une question d'évaluation,
un vrai phénomène de société

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André Antibi, président du MCLCM, mars 2015


Actuellement la question de l’évaluation des élèves en France se voit accorder une place importante dans notre système éducatif. Notre association, le Mouvement contre la constante macabre (MCLCM), ne peut que s’en réjouir. Notre action porte ses fruits, comme l’a affirmé Florence Robine, Directrice Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO), lors de l’inauguration de notre dernier colloque à l’Hôtel de Ville de Paris en juin 2014.

Un retour sur l’histoire de notre mouvement me semble intéressant. Pour cela, j’ai eu le plaisir de consulter le Dossier de presse 2003-2008, élaboré brillamment par Anne Cazeneuve et Laure Lagelouze durant leur service civique au MCLCM, et mis en ligne sous une forme très agréable sur notre site mclcm.fr par Gérard Lauton, Secrétaire de notre association, avec la collaboration de Grégory Quiquempois.

On peut se demander pourquoi mon livre « la constante macabre », paru en 2003 à compte d’auteur[1] a eu un tel succès médiatique et pourquoi les journalistes n’ont jamais détourné ce thème de réflexion pour critiquer les enseignants en les montrant du doigt et en les accusant injustement d’une certaine forme de « sadisme ». La réponse à cette question est simple : ces médias, auxquels je me permets de rendre un hommage fort et sincère, ont pris conscience qu’il s’agissait d’un dossier infiniment plus sérieux et plus important, d’un vrai phénomène de société, inconscient, dont souffre toute la société française, et dont les enseignants ne sont évidemment pas les seuls responsables. Il s’agissait de dénoncer cette horrible tendance qui conduit, au motif de valoriser le succès, à engendrer ‑ involontairement certes – de l’échec. On prenait alors conscience que de nombreux élèves français, en difficulté scolaire, étaient en fait dans une situation d’échec artificiel, et donc de mal-être[2].

L’objectif de notre mouvement est alors apparu clairement : lutter contre l’injustice et la souffrance dont sont victimes de nombreux jeunes en France, en premier lieu ceux issus de milieux défavorisés. À ce sujet, je crois utile de citer Manuel Diaz Regueiro, Directeur de Centre de Formation d’enseignants à Lugo en Espagne, pays victime également de la constante macabre comme quelques autres pays qui se sont inspirés du système éducatif français :

« Les idées défendues par le MCLCM resteront pour toujours dans la bible de l’éducation, comme le miroir d’une époque obscure d’où nous devons sortir ».

Ce qui précède permet de comprendre pourquoi notre action s’est toujours située en dehors des clivages politiques ou institutionnels usuels, comme le montre la longue liste des signataires de l’Appel contre la constante macabre. On peut y trouver la plupart des syndicats et associations de l’Enseignement Public et de l’Enseignement Privé, mais aussi des associations au cœur de la société civile, des collectivités, des institutions.

Il convient de signaler également l’attention accordée à notre action par la Conférence des Grandes Écoles (CGE) qui a clairement pris conscience que ce dysfonctionnement concernait tout notre pays, que le décrochage scolaire était un grave problème social, et même économique, que la constante macabre était à l’origine de la perte de confiance en soi des élèves français quel que soit leur niveau.

Il serait donc regrettable et inexact de ramener le phénomène de constante macabre à un unique problème d’évaluation des élèves qu’un chercheur, un de plus, a jugé utile de rendre public.



[1] Je remercie les éditions Nathan qui ont assuré la diffusion de ce livre et des trois suivants.

[2] Le système d'évaluation par contrat de confiance (EPCC) permet d'améliorer sensiblement cette situation.